Jour 33 partie 2 - Les travailleurs de l'ombre - 07.09.2020
- hinardflorence
- 27 sept. 2020
- 4 min de lecture
Lever 7h45. Tout est prêt pour le RDV au cirque de 9h00. J'ai préparé le camion la veille au soir, avec tout le matériel pour les chevaux et les deux vélos, celui de Charlène et le mien. Les garçons nous accueillent avec le sourire. Je le sens malgré les masques, dans leurs yeux et en voyant les stries qui se creusent au coin de leurs paupières. Pascal, Anthony, Nico et Seb d'abord. Puis Julien, Maxime et l'autre Seb. Et enfin Florence et Djamila qui ont préparé un magnifique petit déjeuner.

- Mettez vos casquettes les gars demande Seb, le régisseur général. (son du gril qui descend)
- Ah Pascal ça y est il est déjà prêt !
9h30. Le gril est descendu. Tout le monde s'agite. La mélodie du métal commence.
10h30 à peine, projecteurs et enceintes sont mis en place. Aucun geste de trop. C'est beau à regarder. L'essentiel. Uniquement l'essentiel.
- C'est la pause !

Deux d'entre eux finissent de placer les projecteurs puis une enceinte. Le silence résonne et fracasse l'espace. Ils sortent. Plus personnes sur le plateau. Bruit de toux puis un sifflement. Les voix se perdent, je les entends au loin. Je reste seule et divague dans les lieux pour regarder leur ouvrage. Je préfère le faire en leur absence.

Quelques minutes plus tard, retour progressif de l'équipe et arrivée de Luc. Il salue tout le monde puis cherche Charlène du regard, je le sens, vais à sa rencontre pour lui indiquer où elle est.

Je me laisse ensuite me dissoudre dans l'espace, dans leur temporalité, dans les cliquetis du métal. Tout est simple, fluide, direct. De toutes façons, la matière ne laisse pas de place aux bavardages lorsque l'on voit le poids et le volume des structures qui surplombent leurs têtes.

Un train passe.

Se faire oublier sans l'être vraiment. Regarder, se laisser regarder en train d'observer. De temps à autres, je les vois jeter un coup d'oeil sur moi. Ils doivent se demander ce que je fais. Je ne dis rien tant qu'ils ne m'interrompent pas. Je les laisse venir à moi s'ils le souhaitent. Accepter de ne pas faire, accepter de laisser faire sans agir, sans vouloir s'impliquer autrement que par le regard et la présence. Et pourtant, j'aimerais participer au chantier. C'est dans ma nature profonde. L'élan, l'ardeur et l'agitation. Cela fait à peine deux heures que j'ai le masque et je suis déjà fatiguée de l'avoir. Je n'imagine même pas ce que cela doit être pour eux, perpétuellement dans le mouvement.
L'essentiel. J'ai l'impression que c'est inné pour eux. Un accès direct à une poésie du geste qui se perd. Poétique parce que ce qui est fait est nécessaire pour eux. De temps en temps, un rire fait surface. Un éclat de voix. Ils sont sept en scène avec le régisseur. Les travailleurs de l'ombre. Antho, Pascal, Seb, Nico, Julien, Seb, Maxime.

En face de moi une fenêtre, le ciel. Bleu. Et un arbre brun encore feuillu que le vent n'agite pas. Il doit être absent. Le vent

- Il est midi !
- Antho ?!
- Je m'en fou il est midi !

Il finit par se rendre auprès de Nico. J'en profite pour leur demander discrètement s'ils peuvent déplacer les matériaux entreposés dans les stalles des chevaux afin que je puisse préparer leur arrivée. Aussitôt dit, aussitôt fait. Je m'en veux de leur en avoir parlé pendant leur pause.
Charlène et Luc travaillent en loge avec l'équipe de radio campus afin de présenter la pièce. Me suis éclipsée ce midi pour manger. Lorsque je reviens, le travail a repris pour les techniciens lumière et son. J'apprécie le silence, le calme et la concentration qui habitent les lieux, la scène. Mise en place des gélats. Nous allons donc vers les finitions. J'ai hâte de voir ce que cela va donner. Nu d'abord puis avec les chevaux et les danseurs lorsqu'ils y seront.
Étapes lumière et son :
Baisser le gril
Placer les projecteurs et les enceintes
Cabler
Test lumières - plan feux
Gaffer les câbles pour éviter qu'il y ait des incidents lorsque la régleuse Florence montera sur le gril. Puis sécuriser avec un cordon en acier projecteurs et enceintes. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que cela a une portée esthétique. C'est propre, net et beau à regarder.
Remonter le gril

- Attention la piste descend !
- Ouais l'enceinte elle passe ! C'est tout juste mais elle passe !
- Ok bon ça marche !
- On a tout !
- Seb !
- Qu'est-ce qu'ils vous arrivent ?
- Ah bah quand même ?
- Qu'est ce qu'il a lui ? (un rire)
15h. Les garçons ont besoin de Seb pour l'écran. Charlène en profite pour faire part de ses exigences. L'écran est accroché.

18h. Nous rentrons à Cascabel. Luc part chercher Lola à la gare, Charlène part avec les chevaux se balader car elle ressentait le besoin de se retrouver seule avec eux. Quant à moi, je me repose avant de m'occuper du pré des chevaux. Je la sens nerveuse, elle me fait une réflexion sur la manière dont j'ai géré la nourriture des chevaux, un peu sèchement. La soirée passe, nous accueillons Lola, il est temps de dormir. J'entends frapper à ma porte.
- Je ne me suis dit que je ne pouvais pas m'endormir comme ça.
Charlène vient s'excuser pour tout à l'heure.
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